Publié par : geraldinesyj | 29 mars 2010

La Réforme face aux internes en biologie médicale !


Rue de l’Observatoire, samedi 27 mars 2010, 14H.

Ils sont venus, ils sont tous là : plus de 250 internes en biologie médicale, Jeunes Biologistes, leurs représentants, quelques personnalités du monde de la biologie universitaire ou libérale, des journalistes, quelques caméras dans le fond de la salle.

Ambiance: Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak.

Un amphithéatre où ne s’est pas déroulé un pugilat (comme annoncé par ceux qui souhaitaient parasiter cette nécessaire et saine rencontre!) mais au contraire un réel débat de fond avec M. Ballereau et A-M Gallot, venus expliciter aux futurs professionnels la réforme de leur exercice, ces derniers étant venus exprimer d’une seule voix leurs légitimes inquiétudes face à la réforme.

Le premier quart d’heure fut consacrée à la retransmission de l’allocution de la Ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, n’ayant pu honorer sa promesse de rencontrer les jeunes internes en pharmacie (assistant à une table ronde avec nos amis du SNJMG à Lille, programmée depuis deux semaines…) pour rapidement laisser place à la présentation de la réforme par Michel Ballereau et AM Gallot.

Animée par le Président de la FNSIP, Raphael Berenger, la table ronde fut lancée après l’intervention remarquée de Thomas Nenninger, Président du SJBM.

Rappelant l’importance de préserver la biologie médicale de l’emprise d’une financiarisation croissante, le Président du SJBM s’est appuyé sur l’histoire française et internationale pour convaincre l’assistance de la nécessité pour la France et la défense des intérêts des patients Français de continuer de résister aux courants néolibéraux assaillant notre profession de santé. Il a exprimé le désarroi de la jeune génération, non pas face à la réforme qu’elle jugeait nécessaire dans le contexte européen et économique actuel, mais vis à vis des conséquences de celle ci, retoquée par le Conseil d’Etat et la Haute Autorité de la Concurence, visiblement plus favorables aux intérêts économiques. Il a déploré que l’Ordonnance n’ait pas fait le choix de doter définitivement les professionnels des armes nécessaires à leur résistance dans le « combat inégal de la libre concurrence dont la saine émulation ne peut être réelle que si elle n’est pas d’emblée déloyale« . Ce qui est le cas lorsque les rapports de force sont aussi déséquilibrés sans autre alternative possible pour la jeune génération. Il a par ailleurs rappelé qu’invoquer l’autorégulation de la profession ne peut être suffisant, estimant qu’il était justement du rôle de l’Etat de refondre les intérêts particuliers dans la cohésion nationale au bénéfice de tous les français.

Baptème du feu pour le pilote de la réforme « Il ne faudrait pas reprocher à une loi ce qu’elle dit et faire dire à une loi ancienne ce qu’elle ne disait pas ». « Il n’y a pas d’un coté les bons et d’un coté les méchants » « La réforme est un tout, l’éthique n’est pas seulement un droit mais aussi un devoir » « Nous évoluons dans un contexte économique et européen particulièrement complexe ». Voici en substance la réponse de Michel Ballereau.

Il a ainsi rappelé que l’Ordonnance, contrairement à la loi de 1975, affirmait et imposait une obligation médicale à notre discipline, actant dans la loi les pratiques de la profession, ce qui était loin d’être anodin face à l’Europe. La loi de 1975 ne contenait en outre pas la moindre mesure constituant une limitation à l’investissement spéculatif sans limite, via le contournement du 5.1 de la loi Dutreil Jacob.

Il a tenu à distinguer l’investissement de la spéculation et précisé, en s’appuyant sur le système publique, que le salariat pouvait également mener à un épanouissement personnel et professionnel. Les interventions de l’Assemblée ont insisté sur le fait que le salariat pouvait en effet être une voie de rémunération possible si il préservait la liberté professionnel du praticien, mais qu’elle était redoutée dans le cas d’un asservissement des praticiens de santé dans de grandes chaînes de laboratoires dont la finalité ne serait que la rentabilité immédiate.

Michel Ballereau a ensuite déploré le fait que de nombreux biologistes séniors ne fassent correspondre le discours et les actes en préférant céder leurs laboratoires à des prix « dépassant l’entendement » plutôt que de contribuer à construire un modèle dans lequel leurs jeunes confrères pourraient se faire une place à leurs côtés.

« Comment peut on à la fois parler d’un métier éthique et non commercial et vendre son laboratoire comme une entreprise? »

Un des joyaux de l’Ordonnance : « la possibilité laissée aux jeunes d’entreprendre »

Deux possibilités d’avenir sont laissés à la future génération de biologistes médicaux

  • « la biologie médicale ne nécessitant pas un investissement majeur« , il est toujours laissé la possibilité aux jeunes biologistes, « détenant le savoir » de constituer ou de rejoindre des sociétés coopératives qui selon M. Ballereau seraient bien plus compétitives que des sociétés privilégiant la reversion de dividendes à leurs actionnaires. L’assemblée a alors noté qu’aucune coopérative de biologie médicale n’existait pour l’instant, et qu’une modification de la forme sociale d’une société était une décision qui nécessitait la majorité au sein d’une structure (rappelant que les jeunes biologuistes étant souvent cantonnés à des statuts de TNS ultraminoritaires, ils auraient toutes les peines du monde à proposer le changement de forme sociale d’exercice). « L’accréditation sera pragmatique ou ne sera pas » et ne constituera pas une entrave à la création de laboratoires. L’assemblée s’est réjouie de l’engagement pris par le Ministère de la Santé de veiller à ce que la création de laboratoires de novo soit possible et facilitée pour les jeunes biologistes.
  • la carrière hospitalière qui reste ouverte et passionnante, malgré l’incertitude sur les regroupements.

M. Ballereau « comprend les craintes des internes «  tout en affirmant que « tout se tient dans cette réforme qui a pour ambition de s’imposer au reste de l’Europe« .

La réponse à une des questions d’un interne demandant comment pourrait être garanti le respect de l’indépendance professionnelle et du devoir éthique d’un biologiste qui ne souhaite finalement qu’exercer une biologie de qualité au service de ses patients, dans une multinationale cotée en bourse dont les intérêts divergent clairement de ceux des patients, M. Ballereau a répondu que le devoir d’alerte avait été concu dans ce but pour que chaque biologiste puisse alerter le directeur de l’ARS en cas d’insuffisance constatée menaçant la Santé Publique. La liberté est laissée en outre aux biologistes de s’organiser comme ils l’entendent : ainsi, il est possible d’inscrire dans les statuts d’une société que ne pourront détenir des parts que des biologistes en exercice dans la dite structure et décréter l’inaliénabilité des actions pendant une période définie pour les associés afin de stabiliser l’investissement. De toute évidence, il semble que le ministère de la santé soit persuadé que les jeunes praticiens de santé pourront imposer ces principes éthiques en lieu et place de la loi face au pouvoir du capital. L’assemblée à n’a pas exprimé le même optimisme.

Quant aux risques de voir émerger une biologie purement financiarisée, le pilote de la réforme répond que « les outils de stabilisation sont dans la loi » . Il compte ainsi sur les « outils d’auto équilibre, véritables stabilisateurs extrêmement puissants, contenus dans l’Ordonnance » pour rendre de fait certains investissements purement spéculatifs déraisonnables, car trop risqués et trop faiblement rémunéraeurs. « Certains monopoles régionaux sont en train de tomber » « Il n’y aura plus d’excédent d’exploitation injustifié, la spéculation n’est plus possible compte tenu des contraintes incluses dans l’Ordonnance, seuls les revenus du travail pourront être assurés ».

Concernant la rénovation du cadre d’exercice pour les biologistes, M. Ballereau balaye d’un revers de la main la possibilité d’exercer en site de prélèvement. « Les directeurs de site de prèlèvement, cela ne doit pas exister », privilégiant le travail en équipe en encourageant soit la spécialisation de site soit la rotation des biologistes entre site et plateaux techniques. «  Comment imagineriez vous diriger seul un bâtiment de la marine? Oui, vous êtes maintenant condamnés à travailler en équipe afin de mutualiser vos compétences« . L’assemblée a rappelé que les contrats actuellement proposés aux jeunes leur laissaient rarement le libre choix de leur mode d’exercice, et ciblaient souvent, justement, les sites de prélèvements.

Il a enfin réaffirmé avoir prêté une attention particulière à la démographie des biologistes afin « de ne pas envoyer dans le mur les jeunes biologistes, et rendre réelle la médicalisation en homogénéisant la démographie des deux cursus« .

Particulièrement attentive, l’assistance aura pu entendre les représentants du ministère rapporter les paroles de La Ministre de la Santé, s’étant engagée à aider et accompagner les jeunes professionnels dans la construction de l’avenir afin qu’ils puissent sereinement remplir les objectifs fixés par la réforme, la question ayant de nouveau été soulevée dans le discours du Président du SJBM.

Il a enfin précisé que la réforme fera l’objet d’une évaluation externe une fois appliquée et stabilisée afin d’estimer son impact sur les pratiques professionnelles, et prendre d’éventuelles mesures correctives.

Au terme de ces 4H de débat, force est de constater que si les jeunes biologistes ont pu découvrir le volontarisme de Mr Ballereau et du Ministère de la Santé en ce qui les concerne, peu d’entre eux en revanche ont été réellement convaincus de la volonté de l’Etat de sauver un modèle dans lequel leur exercice praticien serait préservé des appétits financiers des uns, des rêves de restructuration des autres. La crainte des Jeunes Professionnels de devoir exercer dans un système uniformisé dans lequel ils pèseraient bien peu, privés de la protection de leur liberté d’exercice par les pouvoirs publics, face aux responsabilités grandissantes posées par l’Ordonnance, et à la possibilité de prise de pouvoir par des capitaux spéculatifs qui feraient peser sur eux des impératifs économiques de rentabilité à tout prix en totale opposition avec la prééminence de la santé de leurs patients.

Sans doter la génération future des outils leur permettant de construire un modèle en adéquation avec leurs ambitions vis à vis de leurs patients, et leur éthique, la profession prend un risque majeur : celui de se priver de sa force de régénération, voir s’éteindre la passion et la vocation qui portaient les jeunes professionnels, pourtant si vitales pour l’exercice de nos professions de santé, et ne plus pouvoir assurer la défense de la primauté des intérêts des patients français face aux intérêts économiques des investisseurs spéculatifs.

La jeune génération place un immense espoir et toute sa confiance en l’Etat français. Nous sommes à un tournant crucial pour la profession et la santé en France. Cette ordonnance peut être porteuse d’espoir si l’on permet aux professionnels de santé de réellement s’en saisir pour mettre en application la quête d’excellence, les exigences de qualité et d’efficience au service du patient dont elle est porteuse.

Ou au contraire préfigurer la financiarisation spéculative du modèle solidaire à la Française si le volontarisme des praticiens n’est pas protégé par la législation française contre la volonté de prise de pouvoir des capitaux financiers.

La Jeune Génération lance un appel à l’état Français afin qu’il fasse un véritable choix de politique de civilisation au bénéfice du peuple Français.

Souhaitons qu’il répondra à son appel comme il a répondu ce week end à l’Appel du 22 Mars.


Réponses

  1. « La jeune génération place un immense espoir et toute sa confiance en l’Etat français » :

    C’est bien d’avoir confiance en son état, mais il y a des risques qu’on soit déçu.
    Ce propos est étonnant par rapport à pas mal de tes (très bons) articles qui sont clairement anti-Sarko. Doit-on y voir une certaine résignation fasse à cette réforme de m…. qu’on nous impose ?

    « La réforme est un tout, l’éthique n’est pas seulement un droit mais aussi un devoir » « Nous évoluons dans un contexte économique et européen particulièrement complexe » :

    Effectivement dans un autre domaine, entre Ecologie ou Compétitivité Européenne, le gouvernement a tranché : Retrait de la taxe carbone.

    « Il a ainsi rappelé que l’Ordonnance, contrairement à la loi de 1975, affirmait et imposait une obligation médicale à notre discipline » :

    C’est déjà difficile actuellement (je travaille dans un LAM de 600 dossiers/j) mais avec les 3000 dossiers/j que souhaite le gouvernement, ce sera impossible. Au contraire, la réforme favorise la démédicalisation de notre profession. Les centres de prélèvement vont également dans ce sens.

    Quant aux risques de voir émerger une biologie purement financiarisée, le pilote de la réforme répond que « les outils de stabilisation sont dans la loi » : Je suis plus que sceptique …

  2. Je pense que ceux qui étaient présents (et l’ensemble des jeunes biologistes) attendent beaucoup des engagements pris par le gouvernement.

    Rien de plus dévastateur qu’un espoir déçu.

  3. Paroles, paroles, paroles…

    Une promesse n’engage que celui qui y croit : il faut du concret, et systématiquement se battre pour l’obtenir: le leitmotiv de l’autorégulation du secteur est une arnaque sans nom.

    C’est un rapport de force et la balance est carrément en notre défaveur.

    Faut se réveiller là:

    Notre formation est d’excellente qualité, nous sommes tous bac+10.

    Faut arrêter avec ce complexe d’infériorité : on est indispensable dans le parcours de soin à la française, on est utile et on ne peut disposer de nous à cause de trois lignes dans un rapport.

    Si la nouvelle ordonnance était si bien que ça, on serait carrément moins inquiet et on se poserait moins de question quant à notre avenir..Est le cas?

  4. Du compte rendu que vous faites, j’ai l’impression que Ballereau vous a bien endormi….je vous l’avais dit sur labmutation…Ceux sont les directives de Bruxelles (extra libérale) qui s’imposeront…Je suis tres pessimiste pour votre avenir…

  5. C’est la loi et les règlements qui permettent que les biologistes vendent leurs laboratoires à qui ils veulent et non l’inverse.

    Ainsi les biologistes vendent leurs laboratoires à qui ils veulent et au prix qu’ils veulent.
    C’est la loi et les régalements qui permettent cela.
    Charge à la loi et aux règlements de dire ce qui est permis ou non d’une part par le vendeur et d’autre part par l’acheteur.
    En proclamant et faisant dire que c’est aux biologistes qu’il revient de maintenir une biologie libérale, il inverse le problème et fait reposer l’entière responsabilité des effets pervers de cette réglementation sur les biologistes.
    Avec un tel argumentaire , cela s’appelle une supercherie, une duperie…
    Avec cette ordonnance c’est la mort de la biologie libérale c’est cela la réalité.
    Il n’y a plus de place pour le biologiste sauf à prendre les coups et la responsabilité.

  6. Jeune biologiste je comence ma vie en labo et à ma grande suprise me voilà dans un site de prélevement!!! imaginez rendre des numérations sans pouvoir les controler!le pire pour moi a été d’appeler un médecin pour une monocytose et que celui ci m’informe que ce sont des blastes (la honte )!!!!!!!!
    d’un point de vue de la qualité je pense qu’on régresse!!!!!!!!!!!
    Je suis biologiste et je n’ai aucun contrôle, assujetti à faire confiance aux résultats qu’on me rend sans avoir la moindre chance de pouvoir utiliser les connaissances acquise durant l’internat!
    J’en suis arrivé à me demander pourquoi avoir fait 4 ans d’internat pour finir dans ce rôle de directeur de site de prélévement!!!!
    Cette nouvelle réforme a détruit mon rêve de biologiste!!!!!

  7. Je pense que l’avenir de la jeune génération est sombre : risque de dévalorisation du métier, risque de perte d’indépendance de l’exercice, désintéressement des jeunes pour la filière Biologie. Cependant si au moins nous arrivons ensemble à refuser la collaboration avec les financiers, nous leur poserons alors un sacré problème. Ne leur laissons pas la possibilité de nous utiliser pour ensuite faire disparaitre notre métier, que nous avons chèrement acquis. Non, les grosses structures financières ne sont pas plus aptes à mener l’accréditation et bla bla… puisqu’elles sont obligées de passer par des biologistes pour arriver à leur dessein. Résistons, refuser de collaborer. C’est le travail qui doit créer la richesse, et non le capital !


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